Le déploiement
de la force «Sangaris» a enrayé mercredi l'enchaînement des violences de ces
derniers jours en Centrafrique
À la barrière de
PK12, qui contrôle l'entrée nord de Bangui, deux pelotons de blindés français
sont en position. Les VBL et les VAB font face à toutes les directions: vers la
ville, vers la route qui s'enfonce dans la forêt au nord, et vers la brousse de
chaque côté. «La menace peut venir de partout», explique le capitaine du 1er
régiment de hussards parachutistes, qui commande la position. «Hier soir, on a
eu un “TIC ”», dit-il, en utilisant le terme de l'Otan pour «troupes au
contact», passé dans le jargon militaire français. «Mais nous continuons de
procéder au désarmement. Ce matin, nous avons saisi un lance-roquettes RPG-7.»
Les unités du 1er RHP ont été débarquées du Dixmude avec leurs véhicules, la
semaine dernière, à Douala, et ont fait par la route le long trajet du Cameroun jusqu'à Bangui. Leurs
blindés sont un renfort considérable pour la force «Sangaris».
Des véhicules se
présentent à la barrière, mais l'essentiel de la circulation est constitué de
piétons. «Beaucoup cherchent à se mettre à l'abri, mais vont dans les deux
sens, dit le capitaine. Des gens quittent leur quartier de Bangui pour se
réfugier dans la brousse, d'autres fuient la campagne pour venir en ville.»
Un groupe de
jeunes surexcités avance soudain vers la barrière en tenant fermement un homme
par le col de sa chemise. «Il a des grenades! C'est un terroriste!»,
crient-ils. Les soldats français mettent le suspect en joue, le font s'allonger
sur le sol, enlever sa chemise. Il porte sur lui trois grenades. Les soldats
l'appréhendent et le remettent au poste de gendarmerie qui contrôle la
barrière. La foule applaudit: «Tuez-le! Séléka! Il faut le tuer!»
«Une partie de la
population est favorable à notre présence et nous fournit souvent des
informations, dit le capitaine français. On est évidemment prudents, mais ça se
révèle parfois utile. De toute façon, notre force est impartiale, nous
désarmons tous les camps.»
Deux jeunes avec
leurs sacs posés à leurs pieds ont regardé la scène avec inquiétude. Mustapha
Yunus et Sultan Ahmeda, commerçants musulmans centrafricains de retour du
Cameroun, hésitent à quitter la barrière de PK12. «On a appelé notre famille à
PK5, mais on nous a dit que dans Bangui les gens chassent les musulmans.
Personne ne peut venir nous chercher. On hésite à s'aventurer en ville.»
«Notre
présence dans les rues donne un poids plus important aux décisions de l'ONU»
Un
officier français
Les exactions
antimusulmanes n'ont pas cessé, ni la répression des ex-Séléka, et les haines restent exacerbées. Dans le
quartier musulman de PK5, à la mosquée Ali Babolo, huit morts de ces derniers
jours ont été enterrés, sans que l'on sache s'il s'agissait de civils ou
d'ex-Séléka. Des pillages et des règlements de comptes ont aussi été signalés.
Mais le déploiement des troupes françaises, et les accrochages des deux
derniers jours avec certains éléments affiliés aux ex-Séléka, a commencé à
modifier la donne mercredi dans Bangui. Dans le langage non écrit des rapports
de force, l'armée française a mis fin à l'impunité dont jouissaient les
ex-Séléka en ville. Cantonnées dans leurs casernes, ces milices ont de nouveau
réduit leurs patrouilles. «Ils passent parfois en véhicules. Ils viennent
tester notre dispositif, voir comment on réagit, dit le capitaine du 1er RHP,
mais ils se tiennent à distance. Une partie d'entre eux ont des autorisations
de circuler, mais sont identifiés et doivent prévenir de leurs mouvements.»
«Ici, ça
fonctionne un peu par électrochocs, explique un officier français. Notre
présence dans les rues donne un poids plus important aux décisions de l'ONU. On inverse le rapport de force et
on permet à la police congolaise de faire du maintien de l'ordre, ainsi qu'à la
gendarmerie centrafricaine que l'on rééquipe progressivement avec les armes
saisies. On impose petit à petit un certain nombre de règles, qui sont des
ordres donnés par le président centrafricain. Ceux qui n'obéissent pas sont
considérés comme des éléments incontrôlés et traités comme tels.»
Pas grand-chose
n'a filtré de la rencontre entre François Hollande et le président de
transition, Michel Djotodia, mardi soir sur l'aéroport de M'Poko.
Mais les généraux et ministres de l'ex-Séléka dans leurs treillis pixelisés et
chamarrés, qui avaient débarqué à l'aéroport avec Djotodia, ont été priés de
rester en dehors de la réunion. Et l'attitude plus mesurée des ex-Séléka le
lendemain indique clairement qu'un langage ferme a été tenu par le président
français.
La détérioration
accélérée de la situation à Bangui semble avoir été enrayée, au moins
momentanément. Mais le moindre incident, provocation d'un camp ou de l'autre,
ou accrochage plus violent entre les troupes françaises et des éléments de
l'ex-Séléka, peut à nouveau tout faire basculer.
Da Le Figaro
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L'AUTEUR
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